vendredi 31 janvier 2014

Traversée

Mouillage très tranquille après la mer des Caraïbes, Providencia, Colombie

Partis de Bocas vers 11 am, dimanche le 26 janvier, des vagues de 3m nous attendaient à l’entrée de la baie, bonne traversée! Une demi-heure après avoir quitté, on était tous allongé avec un début de mal de mer qui n’a fait que s’empirer au fil des 4 jours suivants.

Remonter face au vent et au courant, c’était notre plan et on savait que ce ne serait pas facile mais inconfortable à ce point, non.  J’ai rarement le mal de mer et habituellement, je m’adapte très vite même chose pour Léa mais là, c’était l’enfer, ça ne passait pas.  François, lui, quand ça lui arrive, il vomit très vite et après il est comme un neuf.  Là, plus les jours avançaient moins on mangeait, plus on se déshydratait et plus la vague et le vent augmentaient.  On parlait à peine, on mangeait à peine, on attendait que le temps et que les miles nautiques s’accumulent mais à 2, 2.5 mn/à l’heure, c’est long 700mn.

Les prévisions semblaient bien, en tout cas mieux que tout ce qu’on voyait depuis les 2 derniers mois.

Le plan c’était la Jamaïque mais pour s’y rendre, il fallait aller contre vents et courants vers la côte de la Colombie mais quand il vente 25 noeuds et de la vague de 10 pieds au 6 à 8 secondes, que le bateau fait des sauts chaque fois qu’il redescend la vague, l’équipage commence à se poser de sérieuses questions.  Pour la première fois, le capitaine avait peur de perdre le gréement et d’endommager le bateau structurellement.  

La nouvelle météo prévoyait un avertissement de tempête un peu plus à l’est, le découragement commençait à bien s’installer surtout pour Léa et moi.  Elle adore les traversées ou elle peut lire, regarder des films, etc. Celle-ci était différente de toutes celles qu’on avait faites jusqu’à présent parce qu’on ne pouvait strictement rien faire.  

Mercredi, 2 bris de voile que François a dû réparer en haute mer; corde de 1 pouce de diamètre du genoa sectionnée, les oeillets attachant la voile du mizzen en train d’arracher et le coup ultime à 10pm, les cadrans qui sonnent et une fuite d’huile dans ces belles conditions.  Moteur éteint, on essaie de changer la direction pour se mettre vent arrière, en sécurité mais tous les ajustements sont faits pour remonter le vent au maximum donc pas moyen de rien faire avec le bateau.  On réduit la surface de voile et Daybreak se place naturellement en position neutre face au vent.

Il fait à peu près 200C dans la chambre des moteurs, le capitaine est vert, on est fatigué alors on décide de se reposer quelques heures.  Bonne fête chérie, beau cadeau.  Le bateau est poussé tranquillement vers l’ouest, aucun danger, on vérifie et aucun obstacle. Si on veut, cette même direction nous mènera tout droit vers l’île de Providencia, Colombie le lendemain, oasis au milieu de la mer des Caraïbes.  On se couche donc pour reprendre des forces et regarder le dommage à la lueur du jour.

Cinq heures du matin, l’esprit plus clair, François répare la fuite et plus question de continuer, les dernières heures nous ont fait dériver et il faut se reposer, il reste encore 3 jours pour la Jamaïque.  On s’en va à Providencia.

Deux ris dans la grande voile, un genoa réduit, vent de côté, bateau stable, on fait entre 5.5 et 8 noeuds facilement vers Providencia.  C’est ma fête ce matin là du 30, le moral est soudainement revenu pour tous.  Léa peut lire enfin confortablement, je la regarde et elle a l’air d’une Jamaïcaine avec ses cheveux pas peignés depuis 4 jours, le capitaine dort paisiblement et je suis très contente de m’offrir un weekend de fête en Colombie.

Tout est calme, on vogue paisiblement, tout peut changer si rapidement sur la mer surtout en vent de côté ou arrière.  C’est la première mer qu’on traverse et je crois qu’elle est sûrement digne d’être considérée comme un océan.

Il nous reste environ 350mn à faire, la moitié mais on va se reposer, finir les réparations au moteur (le moteur a chauffé et ça a fait brûler le joint d’étanchéité), profiter de cette petite île au milieu de nulle part qui semble encore assez typique avec sa grande barrière de corail qui l’encercle.  

Arrivés au mouillage à 1h30 am, on s’est fait accueilir par un comité de réception de poissons volants (exocets) qui tombaient de partout, il aurait fallu porter un casque de protection avec visière.  On se pensait dans «l’histoire de Pi» quand il se fait bombarder par les poissons, une vision un peu préhistorique.  Tout ça, en se faufilant à travers les hauts fonds du chenal à la noirceur la plus totale, c’était la nouvelle lune.  Léa s’est réveillée et trouvait ça très drôle d’avoir autant de compagnie sur le pont, elle a fait le ménage, relançant les poissons un à un.  Vaga, elle, ne comprenait rien mais montait la garde pour indiquer les bouées du chenal.

On est tous plongé le nez dans l’oreiller, enfin!  

Ce matin, tout est délicieux.  Gros déjeuner, café, le bonheur.

On fait du ménage, le bateau est salé dans tous les sens avant d’aller compléter les formalités d’entrée en Colombie.  Bonne bouffe au resto pour célébrer mon anniversaire et notre arrivée.  

Les difficultés et les joies de l’aventure, c’est ce qui nous permet d’apprécier la vie à fond.






Chantelle, Kayla et Harry de s/v Ulysses Blue

Poisson volant en route (exocet)

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